Le terme d’économie sociale et solidaire (ESS) regroupe un ensemble de structures qui reposent sur des valeurs et des principes communs : utilité sociale, coopération, ancrage local adapté aux nécessités de chaque territoire et de ses habitants, leurs activités ne visant pas l’enrichissement personnel mais le partage et la solidarité pour une économie respectueuse de l’homme et de son environnement1. C’une notion désignant les entreprises et organisations, notamment les coopératives, les mutuelles, les associations et les entreprises sociales, qui ont la particularité de produire des biens, des services et des connaissances tout en poursuivant des objectifs à la fois économiques et sociaux et en favorisant la participation et la solidarité (BIT, 2019).
L’ESS promeut des valeurs et des principes centrés sur les besoins des individus et de leur communauté. Obéissant à une logique de participation volontaire, d’entraide et d’autonomie, elle fait appel aux entreprises et aux organisations et cherche à concilier la réussite économique avec l’équité et la justice sociale.
Cette forme de l’économie qui redonne primauté aux personnes et non aux capitaux a mobilisé depuis l'origine des penseurs aux inspirations très diverses relevant du champ religieux (catholicisme social), du champ économique (distorsion du marché), du champ politique (critique marxiste du capitalisme) et du champ philosophique (humanisme et personnalisme) (Benhaddouch, 2022).
En Afrique subsaharienne, l’économie sociale et solidaire connait, depuis quelques décennies un regain d’intérêt et une large évolution du fait qu’elle représente une opportunité de développement économique et d’inclusion sociale. Elle puise dans des valeurs (partage, confiance, réciprocité) souvent réaffirmées au sein d’organisations endogènes telles que les tontines, les clubs d’entraide ou les associations informelles de solidarité, très rependues ces dernières années. L’ESS se manifeste aussi en réaction aux situations de crises socioéconomiques et environnementales.
Le Burundi, depuis la crise socio-politique de 2015, connait de plus en plus des difficultés sur le plan macroéconomique, liées notamment à une détérioration des termes de l’échange et à une accélération de l’inflation intérieure qui vient mettre en péril des conditions d’existence déjà éprouvantes suite aux perturbations du marché de change et aux autres chocs externes. Les récentes statistiques affichées par la BRB (juillet 2023) indiquent que le taux d’inflation s’est fortement accru à 29,7% au premier trimestre 2023 contre 25,2% au trimestre précédent et 12,9% au trimestre correspondant de 2022 ; cette accélération étant tirée par la hausse des prix des produits alimentaires (44,1%) et non alimentaires (13,1%). Une telle situation ne peut
qu’aggraver l’incidence de pauvreté au Burundi. Les données de rapport de l’enquête intégrée sur les conditions de vie des ménages au Burundi (EICVMB, 2019- 2020) établissaient le taux de pauvreté à 62,8%. En d’autres termes, plus de la moitié de la population burundaise est pauvre en 2020, c’est-à-dire, vit en dessous du seuil national de pauvreté fixé. En plus de l’incidence de pauvreté élevée, la société burundaise est inégalitaire. La même enquête de l’ISTEEBU montre que l’indice global de Gini, relatif à la distribution des revenus, indique un niveau des inégalités de 37,1%. A cela s’ajoute le faible niveau d’inclusion financière au Burundi2.
Dans ce contexte de paupérisation et d’inégalités croissantes, la majorité des personnes se voient exclure du système bancaire classique suite à leurs conditions de vie précaire. Alors qu’elles doivent travailler pour subvenir à leurs besoins primaires et ceux de leur famille, ces derniers se tournent vers le système financier informel tel que les tontines, les caisses d'entraide et de solidarité. A côté de ces initiatives informelles, sont nées des coopératives SANGWE encouragées et soutenues par le Gouvernement et d’autres types de groupements financiers communautaires formellement enregistrés.
D’une part, la mise en place de l’Agence Nationale de promotion et de régulation des sociétés coopératives(ANACOOP) par la loi n°1/12 du 28 juin 2017 et dont l’objet est d’assurer la promotion et la régulation des sociétés coopératives et la création des coopératives SANGWE sont des exemples qui illustrent la volonté du Gouvernement d’encourager l’émergence du secteur de l’ESS. D’autre part, il est clair que le Gouvernement se soucie de la réglementation des groupements financiers communautaires qui évoluent dans l’informel tel que les tontines, en vue de protéger l’épargne publique. En témoigne l’organisation, le 14 juillet 2022, par la Banque de la République du Burundi (BRB) d’un atelier d'échanges sur la sensibilisation de la population en général et des Groupements Financiers Communautaires (GFC) en particulier, sur l'obligation de respecter la réglementation en vigueur.
Tout cela montre que des travaux scientifiques sont plus que nécessaires pour éclairer le débat sur l’émergence de l’ESS au Burundi. Celle-ci suscite, en effet, de nombreuses interrogations, tant sur la viabilité du secteur, dans sa dimension socio-économique et son financement, que sur sa gouvernance et son mode de gestion et son impact social. En particulier : (i) quels modes de régulation des groupements financiers communautaires qui drainent de plus en plus d’épargne publique ? (ii) sous quelles conditions l’ESS peut-elle satisfaire les attentes en termes de lutte contre la pauvreté, de création d’emploi, de justice sociale et de croissance durable ? (iii) l’ESS peut-elle contribuer à la réalisation de la vision Burundi pays émergent en 2040 et pays développé en 2060 » tant chère au Gouvernement ? (iv) enfin, l’ESS peut-elle
2 Il est vrai que le taux d’inclusion financière s’est sensiblement amélioré ces dernières années, passant de 12,5% en 2012 à 47,85% en 2020 en raison de la digitalisation et du mobile money. Mais cela masque des difficultés toujours prégnantes de la population, à majorité rurale, en ce qui est des possibilités d’épargne et de financement de leurs activités génératrices de revenus.
participer à renforcer les droits économiques et sociaux de la femme burundaise et atténuer le chômage des jeunes?
- Finalité de l’appel à contribution
Dans l’objectif de produire le Cahier n°5, le Centre d’Analyse et de Recherches Interdisciplinaires sur le Développement dans la Région des Grands Lacs (CARID-RGL) de l’Université du Lac Tanganyika lance un avis d’appel à propositions des projets d’articles autour de la thématique centrale « Economie Sociale et Solidaire au Burundi : Enjeux et perspectives ».
Les chercheurs intéressés pourront proposer un article scientifique touchant l’une ou l’autre des sous-thématiques suivantes (liste non exhaustive) :
- ESS : identité, valeurs éthiques et principes coopératifs à l’œuvre au Burundi ;
- Une économie plurielle pour sortir de la crise économique au Burundi ;
- Bonne gouvernance, cadre juridique et institutionnel de l’économie sociale et solidaire au Burundi ;
- Management et Économie de l'entreprise coopérative au Burundi ;
- Les coopératives et les Objectifs du développement durable au Burundi ;
- Les entreprises coopératives, sécurité alimentaire et équilibre nutritionnel ;
- Économie sociale et solidaire : Réduction de la pauvreté, Egalité des genres, Création d’emplois, inclusivité et croissance équitable ;
- ESS et Gestion durable des ressources naturelles ;
- ESS et promotion de sociétés justes, stables et pacifiques au Burundi ;
- Épargne informelle, tontines et d’autres circuits parallèles de financement : état de la question au Burundi ;
- ESS et développement économique local ;
- Régulation des groupements financiers communautaires au Burundi.
- Modalités de soumission
Peuvent être soumis des projets d’articles de recherche théorique et empirique de tous les domaines en lien avec l’Economie Sociale et Solidaire au Burundi. La soumission d’un projet d’article peut être individuelle ou collective mais le (les) auteur
- doit (doivent) avoir la possibilité de mener, en présentiel, des missions de collecte des données sur terrain.
Les caractéristiques requises des propositions à soumettre sont :
- Le texte doit être écrit en français ;
- La contribution doit être inédite ;
- La taille du résumé ne doit pas dépasser 300 mots ;
- La police du texte : Times new roman, 12. Interligne 1,5 ;
- Le résumé doit préciser la problématique de la recherche ; expliciter le cadre théorique utilisé et la méthodologie de recherche mise en œuvre ;
- La proposition doit comporter des résultats solidement argumentés et proposer des recommandations claires ;
- Une bibliographie.
- Soumission des contributions
Les intéressés adresseront leur proposition de contribution (résumé) au plus tard le 25/08/2023 (minuit GMT + 2, Heure de Bujumbura), à l’adresse suivante : cahier5.caridrgl.ess@gmail.com avec copie aux adresses murehanabagabo@gmail.com et ndayongejecedric@gmail.com. Pour plus de renseignements, contacter les numéros suivants : +25769925580 et +25779973352
- Dates importantes
- 18 juillet 2023 : Publication de l’appel à contribution
- 25 août 2023 : Date limite de soumission des projets/résumés
- 29 août 2023 : Communication des projets retenus
- 25 novembre 2023 : Envoi de la contribution définitive
- 27 novembre 2023 : Envoi des textes soumis aux évaluateurs anonymes
Du 11 au 14 décembre 2023 : Semaine universitaire du CARID-RGL (SESCA-Edition 2023) autour du thème « Economie Sociale et Solidaire au Burundi : Enjeux et perspectives »
- 27 décembre 2023 : Retour des commentaires aux auteurs
- 31 janvier 2024 : Soumission de la version définitive des articles par les auteurs à la direction du CARID-RGL
- 30 février 2024 : Envoi du manuscrit chez l’éditeur pour l’impression
- 31 mars 203 : Publication du Cahier n°5 du CARID-RGL
Date limite de réception des résumés : 25 août 2023