La protection sociale en Afrique: Entre modèles classiques et réalités socio-économiques

UNIVERSITE DU LAC TANGANYIKA

Résumé : Les systèmes de protection sociale des pays africains sont presque tous construits sur le même modèle classique occidental, dit Bismarckien. Ils essayent de prendre en charge des risques liés au travail, à la vieillesse, à la santé et à la famille. Or, ces modèles ne sont pas toujours adaptés aux réalités du continent africain par-ce que pensés dès le départ pour les Etats-providence. Cet article essaye donc de montrer ce dysfonctionnement structurel entre mo-dèles classiques de protection sociale et contextes (social, politique, économique et culturel) africains en s’appuyant sur des problèmes majeurs que sont la structuration des régimes, leur organisation, fonctionnement et financement, ainsi que l’environnement sociopo-litique (gouvernance, corruption).

 

Abstract: Social protection systems in African countries are almost all built on the same traditional Western model called Bismarckian. They try to take in charge risks at work, old age, health and family. But these models are not always adapted to the realities of the Afri-can continent because conceived from the start to the welfare states. This article therefore tries to show the structural dysfunction between classic patterns of social protection and african contexts (social, political, economic and cultural) relying on major prob-lems that are structuring of regimes, organization, operation and financing, as well as the socio-political environment (governance, corruption).

 

INTRODUCTION

 

La protection sociale moderne, système apparu au début du 20e siècle en Europe occidentale, est aujourd'hui l’une des préoccupations majeures des hommes politiques, des citoyens, des institutions, des acteurs professionnels et des chercheurs. Cet intérêt tient en partie au fait que les sociétés contemporai-nes, en particulier celles des pays économiquement sous-développés, apparaissent souvent comme des entités très fra-giles où les besoins de sécurité sociale ne sont pas totalement pris en charge.

 

En Afrique, de façon globale, seul 8% de la population active bénéficie d’une couverture sociale publique (OIT 2014). En comparaison à d’autres régions comme l’Europe (80%), le Moyen-Orient (21%) et le pacifique (17%) ou l’A-mérique latine (38%), on constate que la population africaine est en insécurité sociale. Cette insécurité diversement vécue, mais très partagée ne cesse de se renforcer en Afrique subsa-harienne malgré l’augmentation des niveaux des ressources alloués aux politiques sociales (Polet 2014) et la volonté d’ac-tivation de la protection sociale dans certains pays (Sénégal, Guinée, Côte d’ivoire, Congo, Burundi,…).

 

Les raisons de cette «sous protection» sont multiples (manque de moyens des Etats, pauvreté des populations, cor-ruption, faiblesse des mécanismes de protection et de finance-ment, absence ou faiblesse de la culture d’assurance, existen-ce de mécanismes traditionnels de solidarité) et les conséquences très variées (exposition aux risques, vulnérabilité, précarité sociale et sanitaire) (Diallo 2014). Pourtant, de nom-breuses études sur diverses régions du monde ont montré ces dernières années que le déficit de protection sociale est source d’inégalités (PNUD 2014) et de pauvreté (Banque Mondiale 2014) mais aussi une entrave au développement économique et social (OIT 2012 ; ONU 2012).

 

Cet article est une réflexion portée sur l’analyse de la pro-tection sociale (modèles, stratégies, programmes, défis, taux de couverture, groupes cibles, prestations) en Afrique subsa-harienne. Cette contribution organisée autour de quatre points s’intéresse à la pertinence des modèles proposés par les gou-vernements, les experts, les structures sociocommunautaires et les organisations internationales dans le contexte africain. Nous y présentons d’abord, l’état de la protection sociale sur le continent noir.

 

Ensuite, partant de l’exemple burundais, l’étude essaye de montrer l’incidence de la corruption et de la gouvernance sur l’efficacité des systèmes africains. Enfin, au regard des limites et de l’inefficacité de la plupart des stratégies africaines en matière de prévoyance et d’assistance sociales, notre réflexion se penche sur la nécessité d’un modèle africain de protection sociale.

 

  1. La protection sociale en Afrique: entre déficit, inadaptabilité et fragilité des régimes

 

De nos jours, la plupart des pays africains n’ont pas enco-re un système de protection sociale bien structuré, fonctionnel et totalement protecteur. Certes, on note de plus en plus dans les discours des autorités publiques et des bailleurs ou parte-naires (Institutions de Breton Woods, organismes onusiens, pays occidentaux) une volonté d’activation, de renforcement et d’extension de la protection sociale mais le taux de couver-ture est encore très faible (8%) et les ressources financières largement insuffisantes puisque inferieures à 1% du PIB (OIT 2014). De plus, l’assurance santé universelle est presque inexistante dans des nombreux pays et les prestations sociales (allocations familiales, pensions de retraite) assez faibles (ibidem) restent limitées à une certaine catégorie (les fonc-tionnaires, les corps armés, certains travailleurs du secteur privé).

 

Par ailleurs, dans des nombreux pays africains, la sécurité sociale est essentiellement un système urbain construit autour du travail salarial privé et de l’administration publique. Les régimes africains de sécurité sociale sont de type corporatiste et résiduel et la majorité de la population rurale et du secteur informel est partiellement voire totalement exclue du système. En fait, on estime que « seulement 20 pour cent des Africains bénéficient d’une forme quelconque de protection sociale pu-blique, un taux largement inférieur à n’importe quelle autre région du monde » (Banque Mondiale 2012:5).

 

Pour l'ensemble de l'Afrique subsaharienne, le taux de couverture moyen est d’environ 5% alors que la moyenne mondiale est de 25%. En Afrique de l’Est par exemple, la main d’œuvre est faiblement couverte avec des taux autour de 10 % au Kenya, de 7,6% en Ouganda, 5% au Rwanda et 4% en Tanzanie (Forteza, Lucchetti, et Pallares-Miralles, 2009:31). Au Burundi, le taux est encore plus bas puisque les régimes des pensions et de risques professionnels couvrent moins de 2% de la population active tandis que la mutuelle de la fonction publique bénéficiait à environ 3,4% de la popula-tion en 2012 (SNPSB 2015). Ce sont donc des régimes so-ciaux assez limités offrant une faible couverture, des presta-tions assez minimalistes et un service de qualité moyenne voi-re médiocre, insatisfaisant ou inefficace.

 

L’inefficacité des systèmes sociaux africains tient en par-tie au fait que ce sont souvent des modèles importés, souvent hérités de la colonisation (Osei-Boateng 2011), en déphasage avec la réalité sociale. Ils sont en grande partie issus des grands modèles classiques inspirés des Etats-Providence, pen-sés par Otto Eduard Léopold Von Bismarck, William Henry Beveridge et Pierre Laroque (Vuarin 2000) même si la plupart des régimes de protection sociale africains ont réussi à partir de l’héritage colonial, à bâtir et consolider des systèmes soci-aux spécifiques (Erinosho, 1994). En fait, la mise en œuvre de politiques de protection sociale dans les pays africains au sud du Sahara pose souvent des problèmes, notamment ceux de leur appropriation, conception et raison ultime.

 

Car, les réalités du continent ne permettent pas de copier littéralement les modèles occidentaux qui, par ailleurs, n’ont cessé de montrer leurs limites (Olivier 2005). En fait, les régi-mes sociaux occidentaux sont construits en fonction des tra-jectoires historiques des Etats (révolution industrielle, luttes syndicales, guerres mondiales), des idéologies (socialisme et capitalisme), des cultures (individualisme) et des civilisations (occidentales, judéo-chrétiennes), des besoins et des risques spécifiques (santé, famille, travail, logement, vieillesse, exclu-sion).

 

Ainsi, transposer ces modèles en Afrique, c’est ignorer toute la complexité liée à la mise en place, l’efficacité et la viabilité d’un système de protection sociale. Il ne s’agit pas ici de nier le rôle des modèles existants, mais un modèle africain de protection sociale doit prendre en compte, le déficit de l’emploi formel, la pauvreté des individus et des ménages, la jeunesse de la population, la réalité du secteur informel, la faiblesse de la culture d’assurance, les croyances populaires, l’instabilité socio-politique, la fragilité économique des Etats, la faible qualité des ressources humaines, la mal gouvernance et la corruption. Ces réalités constituent souvent des entraves majeures à la mise en place et à l’extension des régimes de protection sociale en Afrique. Pour mieux mesurer l’impact de ces facteurs sur les régimes de protection sociale en Afrique, nous nous intéressons dans cette étude au Burundi, un pays qui a connu une instabilité socio-politique et économique pen-dant des nombreuses années.

 

Le choix de ce pays pour cette étude est motivé par deux facteurs. Premièrement, le Burundi essaye depuis quelques années de mettre en place un système de protection sociale viable, efficace et étendue à des personnes ou groupes vulné-rables. Deuxièmement, le pays est confronté à des problèmes de pauvreté (environ 60% de la population n’est pas en mesu-re de couvrir ses besoins fondamentaux selon l’enquête des ménages sur le paquet minimum de santé PMS 2012/13) et de corruption (16ème pays le plus corrompu au niveau mondial et 6ème sur le continent africain selon l’index 2014 de Transpa-rency International).Toutefois, les autorités publiques sont dans une dynamique de lutte contre la pauvreté et de promo-tion de la bonne gouvernance.

 

Cette analyse, à travers l’exemple burundais tente de met-tre en relief le lien possible entre la gouvernance et la protec-tion sociale en Afrique. L’idée est de montrer que la corrup-tion et la mal gouvernance peuvent être des obstacles à la mi-se en place d’un système de protection sociale efficace. L’in-fluence de ces facteurs a été déjà observée dans le secteur de la santé burundais (Peerenboom et al 2014 ). La protection sociale peut ainsi être concernée au niveau du management, de la gestion financière ou du fonctionnement des institutions sociales, mais aussi des prestations ou des services.

 

  1. Le régime burundais de protection sociale: un modèle en construction

 

Au Burundi, la sécurité sociale a été initiée pendant la colonisation dans le cadre du Ruanda-Urundi. Elle portait au départ sur la réparation des accidents du travail et des mala-dies professionnelles des travailleurs indigènes du Congo-Belge. A la fin des années 1950, ces mêmes travailleurs ont bénéficié d’un régime des pensions de vieillesse, d’invalidité et de décès qui renforce leur protection sociale (Kamwenubusa, Nicobaharaye, Niyonkuru, Munyandekwe 2011:24). Le régime actuel de sécurité sociale du Burundi da-te de l’indépendance avec la loi du 20 juillet 1962 instituant le régime de sécurité sociale. Ce système a été renforcé dans les années 1980 avec la création d’un régime d’assurance maladie des agents publics et assimilés (loi n°1/28 du 27 juin 1980) et la mise en place de la Carte d’Assurance Médicale (CAM).

 

Le régime burundais de protection sociale est organisé à la fois autour du public (l’Institut national de sécurité sociale et l’Office national des pensions et risques professionnels), du privé (sociétés d’assurance) et du communautaire (mutuelles de santé professionnelles et communautaires). Le système bu-rundais allie assurance et assistance sociale; l’assurance pour les secteurs publics et privés et assistance pour les groupes vulnérables ou économiquement faibles.Par ailleurs, depuis 2012, le Burundi dispose d’un code de sécurité sociale et d’u-ne politique nationale de protection sociale.

 

Cette politique a pour objectif d’assurer progressivement une couverture de protection sociale convenable à toute la po-pulation, de renforcer, coordonner et étendre les dispositifs de protection sociale qui sont en place. Malgré les différentes initiatives en matière de sécurité sociale (promotion des régi-mes, réorganisation de la Caisse d’Assurance Maladie, créa-tion de mutuelles, assistance des indigents) et de santé (Politique nationale de santé 2005-2015 et Plan national de Développement sanitaire 2006-2010 et gratuité des soins pour les moins de 5 ans et des accouchements), seule une minorité de la population burundaise est réellement couverte; la quasi-totalité des femmes (90%) et des hommes (89%) de 15-49 ans par exemple n’a pas d’assurance médicale (ISTEEBU, MSPLS, ICF 2010:43).

 

En fait, les quatre régimes de sécurité sociale (Assurance-maladie, Pension, Risque Professionnel et prestations familia-les) profitent globalement aux agents de l’administration pu-blique. Or, la majorité (90% selon le recensement de 2008) de la population est rurale et donc exerce dans le secteur agricole ou tertiaire. Cette population a besoin de politiques de pré-voyance en matière de santé et de retraite, mais aussi de pro-grammes publics pour faire face aux risques liés à leurs activi-tés et à leurs environnements.

 

Certes, les partenaires techniques et financiers et les orga-nismes non gouvernementaux nationaux et internationaux par-ticipent fortement à la réduction de la vulnérabilité économi-que et sociale, mais leurs rôles restent limités dans le temps,

 

leur champ d’action et leurs moyens insuffisants. De nos jours, la protection sociale au Burundi se heurte à des nom-breux obstacles comme le niveau faible de revenus des tra-vailleurs des secteurs informel, domestique et rural, la faible affiliation du secteur privé structuré, le déséquilibre entre re-cettes et dépenses, la gouvernance des structures de protection sociale. Par ailleurs, la protection sociale est déficiente au Bu-rundi à cause des prestations insuffisantes, des dysfonctionne-ments de la carte d'assistance maladie, et de l'environnement administratif et juridique. La conséquence est que la protec-tion offerte par l’INSS ne serait pas totalement adéquate et resterait en deçà des garanties offertes par les régimes compa-rables dans les autres pays de la Communauté d'Afrique de l'Est (SNPSB 2015).

 

  1. Burundi: la protection sociale à l’épreuve de la gouvernance

 

La bonne gouvernance est un élément fondamental du développement d’un pays. Toutefois, celle-ci est souvent mise

 

  • l’épreuve par les pratiques de corruption qui empêche les politiques d’être mises en œuvre et les performances réalisées. Dans le secteur de la santé, l’Organisation Mondiale de la

 

Santé indique que le gaspillage, la corruption et la fraude font partie des dix principales causes de l’inefficience des systè-mes de santé (OMS 2010:69 ). En fait, pour l’OMS, une gou-vernance efficace est la clé de l’amélioration de l’efficience et de l’équité.

 

En Afrique subsaharienne, des études ont montré que dans le secteur de la santé, existent des pratiques inappro-priées entre soignants et soignés (Jaffré, De Sardan 2003), mais aussi une certaine corruption des personnels de santé (Médard 2001, De Sardan, Bako-Arifari, Moumouni 2007). Au Burundi comme dans la plupart des pays post conflictuels, les pratiques de corruption sont une réalité bien ancrée dans la société, les secteurs de l’économie et les institutions (Nimubona, Sebudandi 2007:55). Depuis la fin de la guerre, la corruption est assez présente dans le pays avec des indices moyens de corruption tournant autour de 20/100, soit parmi les pays les plus corrompus du monde selon Transparency In-ternational.

 

De nombreuses enquêtes ont confirmé l’effectivité de la corruption dans la société. D’ailleurs, selon le rapport sur le diagnostic de la gouvernance et de la corruption au Burundi, les citoyens considèrent la corruption comme un des problè-mes les plus importants (Ministère de la Bonne Gouvernance 2008). Les secteurs publics perçus par les citoyens comme étant les plus affectés par la corruption sont: l’éducation, la santé, la justice, la police, l’administration et la distribution de l’aide. (Nimubona, Sebudandi 2007:14) Dans le domaine de la santé et de la protection sociale, des enquêtes montrent que

 

  • les pratiques de corruption ont lieu dans les structures de santé, généralement avant les soins ou avant l’hospitalisation, presque de façon égale dans les centres de santé que dans les hôpitaux.

 

Mais elles sont aussi courantes dans la délivrance de do-cuments et le suivi des patients ». (Idem 2007:21) Enfin, à côté de la corruption, il existe de pratiques de détournements d’objectifs dans le domaine de la santé. En effet, avant l’arrêté N° 01/VP2/2012 du 25 janvier 2012, portant réorganisation du système d’assistance médicale au Burundi, les fonds géné-rés par la CAM, étaient collectés par l’administration commu-nale et n’étaient plus utilisés pour rembourser les prestations sanitaires mais plutôt pour subvenir aux besoins de la commu-ne (OIT 2014:12).

 

Peut-on imaginer dans le cas burundais un lien entre la corruption, la gouvernance et le taux de couverture sociale? Ce lien est difficile à établir, mais si, dans les Etats africains, on s’intéresse aux outils objectifs de mesure que sont l’Indice de Perception de la Corruption de Transparency International (IPC) et l’Indice Ibrahim de la Gouvernance en Afrique (IIAG), on peut voir qu’en 2014, des pays comme Maurice (IPC=57; IIAG=81.7),Cap-Vert (IPC=57 ; IIAG=76.6), Seychelles (IPC=55 ; IIAG=73.2) et Rwanda (IPC=49 ; IIAG=60.4), qui ont des indices très élevés ont un taux de couverture sociale très satisfaisant (taux d’assurance santé d’environ 90%). Par contre, le Burundi qui a un IPC faible de 20 et un IIAG de 45.3 n’est pas loin des pays les plus pauvres et les plus corrompus comme le Sud Soudan, la Guinée Bis-sau, l’Angola, l’Haïti et même la Somalie (dernier au rang mondial avec des indices de 8) où la protection sociale est presque inexistante et le développement humain assez faible.

 

La gouvernance publique, mais aussi celle des institutions d’assurance ou d’assistance sociale, est souvent considérée comme un facteur clé dans la mise en œuvre des politiques sociales et sanitaires. Dans le cadre de la politique nationale de protection sociale, le gouvernement burundais a prévu de procéder à des réformes institutionnelles. Ces reformes contri-bueront sans doute à améliorer l’environnement juridique et institutionnel du système de protection sociale, mais la cor-ruption, les inégalités liées à l’accès aux structures et le finan-cement du régime demande plus d’efforts pour arriver à une couverture sociale universelle satisfaisante.

 

En somme, le système de protection sociale du burundais est en construction. Elle connaît encore des limites en matière de financement, d’organisation, de gestion et de fonctionne-ment. L’assurance santé, pilier du système, marche très timi-dement et à ce jour, le taux de pénétration des mutuelles de santé est globalement faible. La politique nationale de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption peut être un élé-ment fondamental dans la stratégie de construction et d’exten-sion de la protection sociale au Burundi. Toutefois, il faudra penser à un modèle qui permet d’intégrer des dimensions spé-cifiques de la société burundaise (ruralité, pauvreté, réparti-tion des ressources, emploi informel, instabilité). Copier litté-ralement les modèles occidentaux ou africains ne permettra pas forcement d’atteindre la couverture universelle en matière de protection sociale.

 

  1. Quel modèle de protection sociale pour les pays africains ?

 

Actuellement, en matière de protection sociale, la plupart des pays africains font face à des défis très importants: élar-gissement de la couverture sociale au secteur informel et aux plus démunis, financement et indépendance des régimes, via-bilité et efficacité de toutes les stratégies nationales de protec-tion sociale. Ces défis sont autant d’obstacles à franchir pour les régimes africains de prévoyance sociale (Carrin 2001). Ce-pendant, le grand problème pour ces pays, en matière de pro-tection sociale est souvent l’adoption de systèmes créés pour les pays occidentaux.

 

Le Bureau International du Travail constate qu’«il n’y a pas, en matière de sécurité sociale, de modèle unique exem-plaire (…). Il incombe à chaque société de déterminer la meil-leure manière d’assurer la sécurité du revenu et l’accès aux soins de santé» (BIT 2001:2) par ses populations. Ce constat est d’autant plus pertinent que les capacités managériales et financières des pays africains ne correspondent pas à l'am-pleur de la demande des populations en matière de protection sociale. Un modèle africain doit prendre en compte les réalités que sont: les cultures et les croyances, la jeunesse de la popu-lation, la pauvreté, la faiblesse du salariat, les situations du secteur informel et du monde rural.

 

CONCLUSION

 

En définitive, les modèles africains de protection sociale sont très calqués sur les modèles occidentaux. Ils n’arrivent pas à s’adapter aux réalités du continent et par conséquent sont souvent inefficaces par rapport aux besoins et aux ris-ques. Après plus de 50 ans d’élaboration et de gestion, la plu-part des régimes de protection sociale africains sont encore en construction.

 

En revanche, malgré les volontés politiques et le soutien des partenaires et des acteurs, la protection sociale africaine est encore très faible et sa viabilité n’est pas assurée. Des pays comme le Rwanda, le Cap-Vert, Maurice, le Ghana, l’Afrique du Sud ont réussi à mettre sur pied des systèmes universels. Par contre, des Etats comme la Guinée Bissau, la République Démocratique du Congo ou le Burundi ont des régimes fai-bles, assez limités, en construction avec beaucoup d’éléments dysfonctionnels. Des facteurs comme la pauvreté, le chômage, le manque de culture d’assurance, la corruption et la mauvaise gestion empêchent le Burundi par exemple d’offrir à ses ci-toyens un socle solide de protection sociale.

 

Faut-il se départir des modèles classiques pour bâtir des nouveaux régimes africains de protection sociale ou bien fau-drait-il adapter ces modèles aux réalités du continent? Les pays qui trouveront une réponse à ces questionnements pour-ront certainement améliorer la couverture sociale de leurs ci-toyens de façon optimale.

 

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